En RDC, le temps n’est pas de tout repos pour le président Félix Tshisekedi qui se trouve engagé sur deux fronts à la fois complexes que risqués. D’un côté, crise sécuritaire oblige, le Président congolais doit poursuivre sa quête du soutien des pays de la région pour isoler Paul Kagame, et de l’autre, la recherche de l’adhésion massive des forces politiques et sociales à son initiative de réformer la constitution en vigueur. Jusqu’à présent aucun front ne rassure.

De Brazzaville à Bujumbura : des engagements stratégiques pour la stabilité

Le samedi 21 décembre dernier, le Président congolais, Félix Tshisekedi s’est rendu à Brazzaville pour un tête-à-tête avec son homologue Denis Sassou Nguesso. Cette rencontre visait à réaffirmer l’engagement pris par le Ministre de l’Intérieur du Congo-Brazzaville lors de sa visite à Kinshasa de « ne pas permettre que son territoire serve de base arrière, de pont ou de base militaire pour des forces cherchant à déstabiliser la RDC« .

Dans un contexte où l’Est de la RDC est ravagé par l’activisme des groupes armés et où des tensions régionales subsistent, cet engagement constitue une étape importante. Cependant, son efficacité dépendra des mécanismes de mise en œuvre concrets et de la capacité et de la sincérité de Brazzaville à contrôler les mouvements transfrontaliers.

Le lendemain, Tshisekedi a poursuivi sa diplomatie régionale avec une visite de travail au Burundi, où il s’est entretenu avec le Président Évariste Ndayishimiye. Les discussions de deux heures entre les deux Chefs d’État ont porté sur la coopération militaire bilatérale concernant notamment la traque des groupes rebelles burundais opérant dans la province du Sud-Kivu.

Contrairement aux actions menées dans le cadre de l’EAC, cet accord est limité à des enjeux spécifiques liés à la sécurité nationale du Burundi, notamment les Forces nationales de libération (FNL). Pour la RDC, cette collaboration permet d’atténuer l’instabilité dans cette région frontalière, bien qu’elle reste fragmentaire et ne réponde pas aux défis plus larges posés par d’autres groupes armés, comme le M23 ou les FDLR.

Consolidation politique autour du projet de changement constitutionnel

Le même samedi soir, de retour à Kinshasa, Félix Tshisekedi a réuni sa famille politique. L’objectif principal : resserrer les rangs autour de lui en vue de son projet de modification constitutionnelle. Cette initiative controversée pourrait impliquer une redéfinition des équilibres institutionnels ou une prorogation de son mandat, des changements qui nécessitent un soutien solide et l’unité de sa majorité.

Dans un paysage politique fragmenté, cette mobilisation interne vise à neutraliser les divisions et à consolider son pouvoir face à une opposition qui s’organise pour contrer ce projet. Toutefois, dans un contexte économique marqué par l’inflation et un mécontentement social croissant, cette démarche pourrait susciter des critiques, tant au sein de l’opinion publique que chez certains de ses alliés. Déjà, certains ténors de l’Union Sacrée de la nation se sont montrés prudents disant attendre les conclusions que produira la Commission dont la mise en place a été annoncée au mois de janvier 2025.

Un équilibre fragile entre diplomatie et politique interne

Ces différentes initiatives témoignent de la stratégie multidimensionnelle adoptée par Félix Tshisekedi pour répondre à des priorités immédiates. D’un côté, il renforce sa diplomatie régionale pour sécuriser les frontières et limiter l’influence des groupes armés ; de l’autre, il cherche à consolider son leadership politique en vue de faire passer son projet constitutionnel.

Cependant, ces efforts comportent des limites. Sur le plan sécuritaire, les engagements bilatéraux avec Brazzaville et Bujumbura restent partiels et ne traitent pas des causes structurelles de l’instabilité régionale. Sur le plan politique, le projet de changement constitutionnel pourrait accentuer les tensions internes et miner sa légitimité s’il n’obtient pas un consensus large.

En somme, Félix Tshisekedi navigue entre des impératifs sécuritaires, politiques et diplomatiques dans un contexte complexe. Sa capacité à transformer ces initiatives en résultats concrets déterminera non seulement la stabilité de la RDC, mais aussi l’avenir de son leadership.

Philippe KAZADI O.

Kiosque d'Afrique