À qui profite les propos fracassants et controversés de Félix Tshisekedi ? À lui ou à ses détracteurs ? Faut-il en faire vraiment usage, quelque peu injurieux, pour se faire entendre ou comprendre ? Son image ne s’en sort-elle pas forcément écornée après chaque allocution publique du Président congolais ?

Trop de communications tue la communication, dit-on. Ce maxim s’affirme avec acuité en RDC où très souvent, les propos du Président Félix Tshisekedi ont tendance à reléguer à l’arrière plan la quintessence même de sa communication. Des propos qui n’ont d’autre mérite que de susciter la controverse, faire émerger une polémique stérile dans l’opinion et dans les salons politiques.

En effet,  en milieu de la semaine finissante, le Président Félix Tshisekedi s’est rendu successivement à Kananga puis à Mbuji mayi. Dans son speech, il a tenu, une fois de plus, des propos durs à l’égard de l’Opposition politique et même des prêtres de l’église catholique qu’il a qualifié de « sorciers » avant de s’engager à mettre fin « à leur sorcellerie » avant la fin de son mandat, avait-il déclaré.

Ces propos ne sont pas passés inaudibles dans l’opinion publique congolaise non sans rappeler d’autres plus contreversées que fracassantes.

La gestion de la crise sécuritaire dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) par le Président Félix Tshisekedi continue de susciter de vives interrogations. Marquée par des déclarations aussi fracassantes que contradictoires, une situation économique alarmante et un projet controversé de révision constitutionnelle, sa gouvernance semble engluée dans des paradoxes qui minent la confiance de la population.

Une gestion sécuritaire pleine de contradictions

Depuis l’intensification de la crise dans l’Est, les discours du Président Tshisekedi manquent de cohérence. Lors de son passage en Allemagne en avril 2024, il déclarait avec fermeté :

«Je veux rencontrer (Kagame) non pas pour le supplier ou négocier quoi que ce soit avec lui. C’est pour lui demander et lui dire clairement, les yeux dans les yeux, que c’est un criminel, que ça suffit».

Cependant, cette posture inflexible contraste avec son ouverture à des discussions diplomatiques avec le Rwanda, pays qu’il accuse de soutenir le M23. Refusant catégoriquement de négocier avec ce groupe rebelle qu’il qualifie de terroriste, Tshisekedi accepte cependant de dialoguer avec Kigali, qualifié dans ses discours de « marionnettiste » du M23. Cette dualité laisse perplexes de nombreux observateurs :

Comment refuser tout dialogue avec une « marionnette » tout en cherchant à négocier avec son « marionnettiste » ?

Pourquoi annoncer des représailles militaires contre Kigali alors que le M23 continue de conquérir des territoires, aggravant la crise humanitaire et sécuritaire ?

En outre, malgré les promesses faites pendant la campagne électorale de décembre 2023, Félix Tshisekedi n’a pas tenu ses engagements. Il avait assuré les Congolais :

« À la moindre escarmouche, je réunirai les deux chambres du Parlement pour déclarer la guerre au Rwanda».

Depuis, plusieurs localités de l’Est sont tombées sous le contrôle du M23, et de nombreux Congolais ont perdu la vie sans compter le nombre toujours croissant des déplacés internes. Ces contradictions projettent une image d’impréparation ou de mauvaise gestion stratégique, au moment où la population attend des réponses claires et des actions concrètes de la part des gouvernants.

Une économie en déclin dans un contexte sécuritaire délétère

Alors que l’insécurité persiste, l’économie nationale s’enlise. L’inflation galopante, le chômage et la précarité aggravent la souffrance de la population. Malgré les nombreuses annonces de réformes économiques, peu de résultats concrets se font sentir. La pauvreté gagne du terrain, et les institutions peinent à répondre aux besoins essentiels des citoyens.

Ce contexte économique difficile amplifie le mécontentement populaire, remettant en question les priorités du gouvernement face à une crise humanitaire et sociale sans précédent.

Un projet de révision constitutionnelle mal perçu

Dans un climat de tensions croissantes, le projet de révision constitutionnelle lancé par Félix Tshisekedi suscite une opposition farouche. Beaucoup voient dans cette initiative une tentative de renforcer son pouvoir ou de prolonger son mandat. Cette démarche risque de créer une instabilité politique supplémentaire dans un pays déjà fragilisé par des conflits armés et des défis économiques.

Les critiques dénoncent une absence de transparence et soulignent que ce projet pourrait provoquer des manifestations violentes et exacerber les divisions politiques.

Un leadership à la croisée des chemins

Félix Tshisekedi est aujourd’hui confronté à une série de défis interdépendants :

1. Sur le plan sécuritaire : Il doit adopter une stratégie militaire cohérente et renforcer la diplomatie pour répondre efficacement à la menace du M23 et aux tensions avec le Rwanda. Les discours forts ne suffisent plus ; des actions concrètes s’imposent pour corser son image de marque.

2. Sur le plan économique : Des réformes structurelles ambitieuses sont nécessaires pour stabiliser l’économie et améliorer le quotidien des Congolais.

3. Sur le plan politique : La révision constitutionnelle doit être abandonnée ou menée avec une transparence totale pour éviter une crise institutionnelle.

Une confiance à restaurer

Pour regagner la confiance de la population et de la communauté internationale, Félix Tshisekedi doit clarifier ses priorités et harmoniser ses actions avec ses déclarations. La fermeté affichée lors des discours, comme celui en Allemagne, doit se traduire par des mesures concrètes et cohérentes sur le terrain.

Le président a encore une chance de rectifier le tir, mais il lui faudra démontrer une réelle volonté de changement et d’unité. Sans cela, il risque de laisser un héritage marqué par l’instabilité, l’inefficacité et la désillusion.

Éden-Pascal

Kiosque d'Afrique