La récente déclaration, à travers les réseaux sociaux, du Chef d’état major de l’armée ougandaise contre la RDC soulève des inquiétudes et des troublantes interrogations quand on sait que ces deux pays opèrent conjointement dans le cadre des opérations visant la neutralisation des ADF.
En effet, la République Démocratique du Congo (RDC) est confrontée à une instabilité chronique dans sa partie est, exacerbée par la présence de groupes armés locaux et étrangers. Dans ce contexte, la collaboration militaire entre les Forces Armées de la RDC (FARDC) et l’armée ougandaise (UPDF) soulève de vives critiques. Certains y voient une stratégie maladroite, d’autres une atteinte à la souveraineté nationale ou encore une certaine naïveté de la part de Kinshasa envers un voisin aussi belliqueux que le Rwanda. Comment comprendre l’attitude du gouvernement congolais ? S’agit-il d’un acte de lâcheté ou encore de naïveté tendant à compromettre son intégrité territoriale ?
Une alliance minée par le doute
Depuis 2021, les FARDC et l’UPDF mènent des opérations conjointes dans l’est de la RDC, officiellement pour lutter contre les rebelles ougandais des ADF (Allied Democratic Forces), accusés de semer la terreur dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Pourtant, cette alliance semble plus problématique que bénéfique.
Tout d’abord, il est important de rappeler que l’Ouganda est régulièrement accusé de soutenir les rebelles du M23, qui ont relancé leurs offensives meurtrières en RDC. Ces accusations, étayées par des témoignages et des rapports, sont renforcées par le fait que les troupes du M23 sont entrées en RDC depuis l’Ouganda. En outre, l’armée ougandaise aurait fourni un soutien logistique, matériel et du renseignement à ce groupe rebelle.
Une histoire de pillage avérée
L’Ouganda n’en est pas à ses premières controverses en RDC. Son implication dans le pillage des ressources naturelles congolaises est avérée, comme l’a confirmé un arrêt de la Cour internationale de justice (CIJ) du 9 février 2022. Cette décision condamne l’Ouganda pour des actes de pillage et de violation du droit international humanitaire sur le sol congolais. Un processus d’indemnisation des victimes congolaises est d’ailleurs en cours, soulignant l’ampleur des dégâts causés par l’armée ougandaise.
Dans ce contexte, la collaboration militaire actuelle apparaît d’autant plus problématique, car elle donne l’impression que la RDC ignore les abus passés et actuels de son partenaire.
Un bilan militaire peu convaincant
Au-delà des problèmes politiques et éthiques, la mutualisation des forces n’a produit aucun résultat tangible dans la lutte contre les ADF-NALU. Ces rebelles, qui justifient officiellement la présence militaire ougandaise, ne représentent même plus une menace directe pour l’Ouganda. Les actions conjointes FARDC-UPDF n’ont pas permis d’éradiquer les ADF, tandis que les massacres de civils dans l’est de la RDC continuent.
Cette situation met en lumière l’échec apparent de cette coopération militaire. L’Ouganda semble davantage préoccupé par ses propres intérêts géopolitiques et économiques que par la stabilisation de la RDC.
Lâcheté ou absence de vision stratégique ?
Pour de nombreux observateurs, cette alliance reflète une absence de vision stratégique de la part de la RDC. Loin de renforcer la souveraineté nationale, elle expose davantage le pays aux influences étrangères, notamment celles de l’Ouganda, dont les motivations sont loin d’être claires.
Cette situation pose des questions fondamentales : pourquoi s’allier avec un voisin reconnu coupable de pillage et accusé de soutenir les ennemis de la RDC ? Pourquoi persister dans une collaboration qui n’apporte aucun résultat tangible sur le terrain ?
Vers une souveraineté retrouvée
Pour sortir de cette impasse, la RDC doit :
Investir dans ses propres forces armées : Renforcer la discipline, la formation et les moyens logistiques des FARDC pour garantir une défense autonome.
Exiger des comptes : S’assurer que les opérations conjointes avec l’UPDF sont transparentes et dénoncer publiquement tout comportement contraire aux intérêts de la RDC.
Développer une stratégie régionale cohérente : Collaborer avec des partenaires fiables tout en évitant d’être otage des agendas géopolitiques de ses voisins.
Somme toute, la mutualisation des forces entre la RDC et l’Ouganda semble davantage servir des intérêts externes que ceux des populations congolaises. À défaut d’une réforme structurelle de son armée et d’une stratégie diplomatique claire, la RDC risque de rester prisonnière de cette spirale d’instabilité et de dépendance. Seule une armée nationale forte et souveraine pourra garantir une paix durable dans l’est du pays.
Philippe KAZADI O.