Le récent déplacement du président Félix Tshisekedi dans la province du Kasaï Central a mis en lumière une réalité préoccupante : la situation économique et infrastructurelle catastrophique que traverse cette région. Lors d’un briefing avec le ministre de la Communication et des Médias, Patrick Muyaya, le gouverneur Moïse Kambulu a exprimé, sans détour, les défis accablants auxquels fait face sa province, affirmant que « tout était prioritaire » et que l’Office de voiries et drainage ainsi que l’Office de route n’étaient pas à la hauteur des attentes.
Cette déclaration frappante a d’emblée suscité des réactions vives, même au sein de la famille politique du président. Certains élus ont considéré les propos de Kambulu comme un affront au Chef de l’État, appelant à son éviction. Cette situation pose inévitablement la question : jusqu’où peut-on faire entendre la voix des réalités sur le terrain sans courir le risque de fâcher ceux qui au sommet du pouvoir préfèrent peut-être une version édulcorée des choses ?
D’une part, la réaction des élus provinciaux, qui dénoncent le gouverneur pour son franc-parler, témoigne d’une dynamique politique préoccupante où la critique semble malvenue, même lorsqu’elle est parfaitement justifiée. Les dénonciations à l’encontre du gouverneur révèlent une peur de l’ébranlement du consensus politique, un consensus qui, dans le contexte actuel, pourrait sembler plus préoccupé par la préservation des positions que par la recherche de solutions concrètes pour le bien-être de la population.
D’autre part, une voix plus constructive s’est élevée, défendant l’intégrité de la déclaration de Kambulu. Ces soutiens affirment que le gouverneur, en s’exprimant avec clarté sur les vérités désagréables de sa province, répond avant tout aux aspirations d’une population en détresse. Ils déplorent, en revanche, le manque d’initiatives concrètes de la part de certains élus, qui, selon eux, se complaisent dans la médiocrité, détournant ainsi l’attention des véritables enjeux de développement.
Le débat qui s’installe autour de cette question est révélateur d’une fracture au sein même de la classe politique congolaise. Alors que certains semblent adopter une approche plus soucieuse de la vérité, d’autres privilégient l’image et la cohésion, au risque d’une inaction préjudiciable pour les populations.
Ce qui est donc en jeu ne se limite pas seulement à la situation du Kasaï Central, mais soulève des interrogations plus larges concernant le leadership et la responsabilité au sein des institutions congolaises. Si la démocratie doit être l’espace où la parole est libérée et où chaque citoyen se sent écouté, alors il faut encourager des discours qui reflètent la réalité, aussi désagréable soit-elle. La province mérite une gouvernance qui liste les priorités, mais surtout qui agit sur les vérités crues que le gouverneur a osé exposer.
En fin de compte, encourager des vues divergentes et honorer la transparence peut être un puissant levier pour le changement. Ce n’est que par l’acceptation des réalités que la République Démocratique du Congo pourra avancer vers un avenir meilleur, où la voix de chaque citoyen, y compris celle du gouverneur Kambulu, sera prise en compte dans les décisions cruciales qui les concernent.
Philippe KAZADI O.