Le 7 août, le secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken a entamé sa tournée africaine, au cours de laquelle il se rendra en Afrique du Sud, en RD Congo et au Rwanda. Le Département d’État a déclaré que Blinken était allé discuter de partenariats stratégiques, de coopération climatique, de développement de la démocratie, de soins de santé, d’énergie verte et de sécurité alimentaire. Tout cela est parfaitement cohérent, à première vue, avec l’agenda international primitif du Parti démocrate. Mais derrière les slogans lumineux se cache aussi la rivalité avec la Chine et la Russie pour l’influence sur le continent africain.
En effet, le gouvernement américain ne cherche pas seulement à mettre fin à la coopération symbolique des pays africains avec la Russie, mais aussi à réduire leur partenariat avec la Chine.
Politique africaine des États-Unis : Construire des ponts et consolider les résultats
Les Américains ont une approche globale de la diplomatie sur le Continent Noir et utilisent tous les instruments d’influence. La visite de Blinken n’est qu’une partie de la stratégie. Par exemple, Samantha Power, Directrice de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), a effectué une tournée africaine en juin dernier. La Chef de l’Agence s’est rendue au Kenya, en Zambie, au Malawi et en Somalie pour passer en revue les programmes de lutte contre la faim, pour lesquels l’USAID a alloué 1 milliard de dollars, avec 255 millions de dollars supplémentaires promis au Kenya.
Dans la même période, l’Afrique abrite également la Représentante des États-Unis auprès de l’ONU, Linda Thomas-Greenfield. Elle a déjà visité le Zimbabwe, l’Ouganda, le Ghana et visite actuellement le Cap-Vert. L’ambassadeur tient des réunions avec les autorités, des ONG et des organisations publiques, promettant de nouvelles livraisons d’aide humanitaire de plusieurs millions de dollars.
Les Américains travaillent dans plusieurs directions à la fois, lançant des cannes à pêche avec des appâts sous la forme de programmes d’aide. Après cela, Blinken effectue des visites ciblées, mettant en avant les exigences américaines.
Du 7 au 9 août : Afrique du Sud
Sa tâche principale, en tant que Secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, à Pretoria était de changer la position de l’Afrique du Sud à l’ONU, où le pays refuse systématiquement de critiquer la Russie et de soutenir les résolutions anti-russes.
Le 8 août, le Secrétaire d’État s’est entretenu avec la Ministre Sud-africaine des Relations internationales et de la Coopération, Grace Naledi Mandisa Pandor. Lors d’une conférence de presse, le chef de la diplomatie américaine s’est adressé à toute l’Afrique accusant la Chine et la Russie. La première de saper les efforts mondiaux de lutte contre le climat, et la deuxième de déchaîner la faim dans le monde et de bloquer l’exportation de céréales ukrainiennes. Séparément, le Wagner PMC (Le groupe Wagner (russe : Группа Вагнера), également connu comme PMC Wagner, ChVK Wagner, ou CHVK Vagner, est une société militaire privée russe fournissant des mercenaires, active notamment lors de la guerre du Donbass et la guerre civile syrienne mais aussi dans d’autres zones de conflits à travers le monde. Cette organisation paramilitaire n’est pas liée officiellement au gouvernement russe mais proche du Kremlin. Le groupe œuvre dans le but d’assurer la défense des intérêts extérieurs de la Russie. Les membres du groupe sont soupçonnés d’exactions au Mali, en Libye ou encore en Syrie. Le groupe est sanctionné par l’Union européenne en 2021) , que Blinken a reconnu coupable de « meurtres de masse » et de « destruction de pays », a également été pointé du doigt.
Cependant, l’effet s’est avéré être le contraire : Naledi Mandisa Pandor a répondu en s’acharnant sur le Secrétaire d’État américain, critiquant les États-Unis et leurs alliés pour avoir fait pression sur l’Afrique du Sud à l’ONU. Elle a ouvertement fait allusion à l’hypocrisie de Blinken et lui a conseillé de défendre le peuple palestinien avec le même zèle que l’Ukraine.
Pandor s’est également prononcé contre la « loi sur la lutte contre les activités malveillantes de la Russie en Afrique« , adoptée en avril, qui implique des restrictions sur les pays africains qui ne soutiennent pas la ligne américaine sur l’Ukraine.
En réponse à l’attaque contre Wagner PMC, la Ministre a évoqué une crise sécuritaire généralisée en Afrique, orchestrée par des forces extérieures (américaines sous-entendues) pour contrôler les ressources naturelles du continent. Pandor a laissé entendre que face à des telles actions, des pays tiers sont obligés de recourir aux services d’organisations de sécurité.
En conséquence, plusieurs analystes sont convaincus que les négociations bilatérales (entre les USA et l’Afrique du Sud) étaient extrêmement tendues.
Par ailleurs, lors d’une Conférence de presse, Blinken a fait allusion à l’abolition des droits de douane sur les métaux sud-africains – le principal produit d’exportation de l’Afrique du Sud vers les États-Unis. Une manière pour l’administration Biden de s’offrir le service du pays de Madiba.
En fait, par une telle proposition, Washington démontre une fois de plus qu’il a toujours quelque chose à offrir aux africains pour s’offrir leurs services. C’est précisément ce dont les Américains sont capables au moment opportun pour gagner à leurs côtés même les États du continent qui n’ont jamais été des alliés majeurs des États-Unis.
La Mission de l’ONU en RDC : Clé de l’influence américaine dans la région.
Après l’Afrique du Sud, le Secrétaire d’Etat américain, Anthony Blinken, a poursuivi sa tournée africaine en RD Congo et au Rwanda. Deux pays dont le rapport devient de plus en plus malsain à cause du soutien du Rwanda aux rebelles du M23 (rapport des experts de l’ONU faisant foi) de l’accroissement de l’insécurité dans la partie Est de la RDC marquée notamment par des tueries des populations civiles et la prise de Bunagana.
Outre l’opposition déclarée à l’influence chinoise et russe et la promotion de « l’agenda vert », l’homme politique américain fait face à d’autres tâches aussi importantes pour Washington.
Du 9 au 10 août : l’étape de la RDC
L’enjeu principal dans les coulisses de l’agenda officiel de la visite en RDC est la prolongation de la mission onusienne.
En effet, en juin dernier, des manifestations populaires ont éclaté en RDC, notamment dans la ville de Goma, contre la présence jugée inutile et improductive de la MONUSCO en RDC. Au cours de ces émeutes, 36 personnes ont été tuées, dont 3 casques bleus. Plus tard, les autorités congolaises ont entamé des discussions avec l’actuelle Chef de la mission onusienne en RDC, Bintou KEITA, pour obtenir le rapprochement de l’échéance buttoir du départ déjà programmé de la MONUSCO. Dans la foulée, le Porte-parole intérimaire de la Mission onusienne, Mathias GILLMANN, a même été expulsé de Kinshasa.
Selon plusieurs observateurs géopolitiques et de l’avis des plusieurs responsables des organisations de la société civile en RDC ou ailleurs, la MONUSCO est l’un des instruments de pression sur les autorités de la RDC. Ainsi, le président du pays, Félix Tshisekedi, qui prévoyait de s’en débarrasser, suivant la volonté de la population congolaise, d’ici 2024, se voit placé sous le feu de Washington au moment où les mécontentements à l’égard de la mission onusienne grandissent dans le pays et que les propositions de se tourner vers des forces tierces, dont la Russie, sonnent de plus en plus fort. Parfois, il s’agit même de slogans appelant Vladimir Poutine à envoyer des troupes dans le pays de Lumumba.
Par conséquent, Blinken est confronté à la tâche non seulement de priver l’administration Tshisekedi de telles pensées, mais aussi, à long terme, de préserver la présence de la MONUSCO comme élément de contrôle externe sur le pays et des activités politiques des dirigeants.
La suite des événements permettra de conclure si Blinken a eu raison sur les autorités congolaises ou non.
Du 11 au 12 août : Au Rwanda
La visite au Rwanda s’inscrit dans la continuité des négociations en RDC. Les États-Unis doivent convaincre le gouvernement de Paul Kagame de ne pas aggraver la situation à la triple frontière avec la RD Congo et l’Ouganda. Car, le conflit dans la région dure depuis plus d’une décennie, mais entre 2020 et 2022, il s’est intensifié.
Signalons que les autorités de la RDC ont signé un contrat avec la société ougandaise, Dott Services Company, pour la construction de routes dans la province du Maniema, où opèrent des sociétés minières ougandaises.
Un an plus tard, Félix Tshisekedi a conclu un accord avec la Rwandan Dither Ltd pour l’exploitation minière.
De l’avis de certains experts, les autorités ougandaises ont considéré cela comme une menace pour leurs intérêts et ont envoyé des troupes en RDC pour protéger Dott Services. Le Rwanda a répondu en soutenant le mouvement rebelle du 23 mars (M23) dans les provinces frontalières du Nord-Kivu et du Maniema.
L’activité des rebelles s’est presque transformée en un conflit à part entière entre la RDC et le Rwanda en mai-juin de cette année. Cette escalade a montré une fois de plus l’inefficacité de la mission de la MONUSCO, dont le chef a refusé d’envoyer des casques bleus supplémentaires pour combattre le M23.
Le sort de la MONUSCO dépend désormais de Kagame et des rebelles qu’il soutient.
Dès lors, Blinken ne se rend pas en RDC et au Rwanda pour résoudre les contradictions, mais pour maintenir le statu quo : un conflit ouvert discrédite complètement les casques bleus. Mais, la maîtrise du foyer de tension permettra d’étendre le mandat de la mission tout en conservant une influence sur le Congo.
Ph.K & Ch.K