Depuis le 30 novembre dernier, l’armée congolaise, FARDC, et l’armée Ougandaise, UPDF, mènent une opération conjointe contre les groupes armés et les terroristes qui ravagent le Nord-Est de la RDC. L’annonce de cette opération par les médias a suscité un véritable tollé dans l’opinion tant nationale qu’internationale. C’est dans ce contexte, que le Vice-premier Ministre, Ministre des Affaires Etrangères, Christophe Lutundula Apala a décidé d’explique au corps diplomatique accrédité en RDC, les raisons ainsi que les instruments juridiques qui soutiennent cette opération.
Pour le VPM, la Communauté internationale, les organisations internationales et la population congolaise devraient soutenir cette opération qui ne cherche qu’à rétablir la paix dans la partie Est de la RDC.
Il a aussi renseigné à l’assistance que cette opération conjointe est soutenue par divers instruments juridiques.
Voici ci-joint, l’intégralité de son discours :
COMMUNICATION DU VICE-PREMIIER MINISTRE, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, CHRISTOPHE LUTUNDULA APALA Pen’APALA AU CORPS DIPLOMATIQUE
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs des missions diplomatique et consulaires,
Madame la Représentante Spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies,
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations internationales,
Je voudrais, de prime abord, vous remercier d’avoir bien voulu répondre à mon invitation qui vous a certainement pris quelque peu à pieds levé, car elle vous a été adressée il y a, à peine, quelques jours.
Votre promptitude et votre disponibilité sont les signes évidents de l’intérêt que vos pays et organisations internationales attachent aux relations avec la République Démocratique du Congo. C’est aussi l’expression, sans doute, de l’engagement de chacun de vous d’œuvrer au raffermissement de ces relations.
J’en suis sensible et vous rassure qu’aussi bien le Président de la République, Son Excellence Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo que le Gouvernement de la République dirigé par Monsieur le Premier Ministre, Jean-Michel Sama Lukonde, sont dans le même d’esprit.
A cet égard, au nom du Chef de l’État et du Gouvernement, je voudrais vous réitérer la vocation africaine de la RDC consignée à l’article 217 de sa Constitution, et son ouverture au monde, sans exclusive, inscrite dans la géographie et dans son histoire depuis la nuit des temps.
La RDC est et demeurera une terre d’hospitalité, d’opportunités et d’avenir pour tous ceux qui désirent y vivre ou y investir, dans le respect de ses lois et des règles qui régissent les relations internationales.
C’est pourquoi, du reste, aussitôt qu’il a été investi, le Chef de l’État a pris son bâton de pèlerin et sillonné le monde, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, pour briser l’isolement diplomatique dans lequel sombrait la RDC et ouvrir la voie à une nouvelle ère de coopération internationale et de partenariat économique gagnant-gagnant avec les investisseurs publics et privés.
Cette croisade fait déjà sentir ses retombées notamment à travers les accords bilatéraux et multilatéraux signés avec certains pays et organismes internationaux. Elle se poursuivra afin de porter haut la voix de la RDC sur l’échiquier mondial et tirer profit de toutes les opportunités susceptibles d’optimiser la mise en valeur de nos immenses ressources naturelles au profit du Peuple congolais.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs des missions diplomatiques et consulaires,
Madame la Secrétaire Spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies,
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations internationales,
J’ai pris mes fonctions à la tête du Ministère des Affaires Étrangères le 27 avril dernier. Il est de tradition constante que le nouveau titulaire de ce Département rencontre le corps diplomatique, sinon dans les heures qui suivent son entrée en fonction, à tout le moins, dans les plus brefs délais.
Je regrette qu’il ne m’ait pas été possible d’obéir à ce rituel d’accueil qui est l’une des marques inaltérables du monde diplomatique et de sa noblesse séculaire.
En effet, ayant trouvé le Chef de l’État en pleine activité dans son mandat de Président en exercice de l’Union Africaine, je devais me jeter immédiatement à l’eau pour l’accompagner dans l’accomplissement de la lourde et délicate tâche que venaient de lui confier ses pairs africains. La conséquence logique de ce mandat au niveau de l’UA a été la surcharge de l’agenda diplomatique du Président de la République et, par ricochet, de celui de son collaborateur que je suis.
Quoiqu’il en soit, j’ai déjà reçu et me suis entretenu utilement avec plusieurs d’entre vous. Qu’ils trouvent ici l’expression de mes remerciements les plus sincères. Quant à ceux qu’il ne m’a pas encore été donné de rencontrer, je sollicite leur indulgence. J’ai la ferme conviction que ça sera chose faite dès la première occasion.
En fait d’opportunité, le développement en cours de la lutte contre l’insécurité et le terrorisme rampant à l’Est de notre pays nous en offre une aujourd’hui et m’oblige à m’adresser à vous en vue d’apporter la lumière nécessaire à une meilleure compréhension de ce qui s’y passe.
En effet, en sus de l’état de siège proclamé par le Président de la République conformément aux articles 85 et 144 de la Constitution, les Forces Armées de la République Démocratique du Congo, FARDC, mènent, depuis le 30 novembre dernier, des opérations militaires ciblées et concertées avec les Forces de défense du peuple Ougandais, UPDF, pour neutraliser les groupes armés et les terroristes qui ravagent le Nord-Est de notre pays et circulent le long des frontières communes de la RDC et de l’Ouganda en Ituri et au Nord-Kivu. Ces bandes armées en divagation créent l’insécurité et massacrent par vagues successives les populations congolaises depuis deux décennies.
Face à ces opérations, chacun y va de son petit commentaire dans un sens comme dans un autre. Les uns, de bonne foi et en toute objectivité, s’en félicitent et encouragent cette action musclée des armées congolaise et ougandaise. En revanche, les autres de mauvaise foi et pour nuire, intoxiquent et désinforment l’opinion, insinuant même une certaine aliénation de la souveraineté de la RDC et brandissent le spectre de la reproduction des tristes événements des rébellions des années 1997-2003.
Certes, la RDC est un pays démocratique. En démocratie, chaque citoyen a le droit d’émettre ses opinions sur la gestion de la République et les gouvernants sont soumis à la redevabilité. Le Gouvernement de la République comprend les critiques, même acerbes, contre son action. À la limite, il les considère comme des alertes et des interpellations. Cependant, il ne suffit pas de critiquer. Encore faudra-t-il proposer des alternatives crédibles aux initiatives du gouvernement pour faire avancer la cause nationale.
Au fait, que se passe-t-il actuellement au Nord-Kivu ?
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs des missions diplomatiques et consulaires,
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations internationales,
Comme vous le savez, la RDC est en proie, en Ituri et au Nord-Kivu, particulièrement, à une guerre asymétrique et d’usure lui imposée depuis plus de 20 ans par des cohortes des forces négatives et des terroristes. Sans vouloir me lancer des statistiques macabres des atrocités graves et des violations massives des droits humains commises par ces criminels à travers des razzias récurrentes, je rappelle qu’ils tuent des populations civiles, les kidnappent, pillent leurs biens, violent les femmes et enrôlent de force des enfants dans leurs rangs.
Tous ces crimes créent l’insécurité à l’Est, déstabilisent l’État et entravent la mise en œuvre, à travers le territoire, du programme d’action du Gouvernement national pour développer le pays et améliorer les conditions de vies des Congolais.
C’est pourquoi, dès son accession à la Magistrature, le Président Félix Antoine Tshisekedi s’est engagé à mettre fin à cette tragédie.
A cet effet, partant de l’idée qu’entouré de 9 pays sur une distance longue de 9.000 kms, aucun État au monde de la dimension de la RDC ne sortirait pas toujours gagnant d’une conflictualité quasi endémique avec ses voisins, la stratégie du Président de la République consiste, d’une part, à minimiser autant que possible les risques de tension grâce au dialogue et aux concertations régulières sur des questions d’intérêt commun et, d’autre part, à développer la coopération économique autour des projets de développement profitables à nos économies et à nos peuples respectifs. Quoiqu’il en soit, il est peu réaliste et productif, voire suicidaire pour un pays de la Sous-région de penser qu’il tirerait toujours des dividendes en entretenant des conflits avec ses voisins.
Au demeurant, les accords internationaux et bilatéraux que la RDC a signés aussi bien au niveau de la sous-région des Grands Lacs qu’avec le Burundi, l’Ouganda et le Rwanda reposent en vérité sur cette philosophie et sur les idéaux de paix, de stabilité, de sécurité mutuelle et de solidarité.
Au niveau de la Sous-région, il importe de rappeler :
- Le Pacte de non-agression de Nairobi (déc. 2006) entre pays membres de la CIRGL, concernant la non-agression et la défense mutuelle dans la Région des Grands Lacs, dont les articles 5 et 7 prévoient notamment :
- La coopération à tous les niveaux en vue du désarmement et du démantèlement des groupes rebelles armés existants et la promotion d’une gestion participative conjointe de la sécurité étatique et humaine aux frontières communes ;
- La mise en commun des moyens de renseignements, des ressources, des capacités et des compétences afin de sécuriser leurs frontières de manière efficace et rationnelle dans toutes les zones désignées de sécurité frontalière dans un esprit de bonne foi, de coopération, de respect mutuel, de confiance et de bon voisinage.
- L’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région signé à Addis-Abeba le 24 février 2013 ;
- La recommandation (b) de la réunion virtuelle des Ministres de la Défense de la CIRGL du 14 Octobre 2020 à Brazzaville, qui exhorte de mutualiser les efforts diplomatiques et militaires pour l’éradication des groupes armés et forces négatives qui déstabilisent la région, et de définir une stratégie commune de gestion des éléments des forces négatives capturées aux frontières des États membres affectés par leur activisme.
S’agissant particulièrement de l’Ouganda, nous avons signé :
- Le 08 septembre 2007, l’Accord bilatéral Ouganda-RDC de Ngurdoto en Tanzanie qui préconise le renforcement de la coopération régionale et bilatérale ;
- L’Accord intergouvernemental entre la République Démocratique du Congo et la République de l’Ouganda et l’entreprise « DOTT SERVICES LIMITED » ;
- Le Mémorandum sur la coopération en matière de défense, le 23 octobre 2021. Ce Mémorandum prévoit, entre autres, des opérations militaires conjointes.
Tous les instruments juridiques sus-évoqués sont tellement clairs qu’ils n’autorisent aucune interprétation particulière, sauf à vouloir leur donner un contenu différent et une application à géométrie variable que rien d’objectif ne justifie dans le cas d’espèce.
Par ailleurs, du point de vue factuel, les attentats à la bombe qui ont secoué la ville de Kampala, en Ouganda, le 16 novembre dernier, ont prouvé la réalité de la présence des terroristes dans l’espace géographique partagé par l’Ouganda et la RDC, réalité que certains continuent à nier pour des raisons peu plausibles.
À l’évidence, ces attentats terroristes combinés avec l’activisme accru des groupes armés en Ituri et dans le Nord-Kivu parmi lesquels les ADF MTM, ont créé les conditions objectives de mise en œuvre des dispositions des Accords et Mémorandum que je viens de rappeler par la RDC et l’Ouganda face à une menace grave et à un ennemi commun. À l’évidence, il n’y a nulle part matière ni aliénation de souveraineté de la RDC ni à reproduction de l’histoire des rébellions des années 90.
Que du contraire, nous nous trouvons ici dans l’hypothèse parfaite de légitime défense et de menace à la paix ainsi qu’à la sécurité non seulement de deux États mais aussi de celles de l’ensemble de la communauté internationale.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs des missions diplomatiques et consulaires,
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations internationales,
À travers les opérations ciblées et concertées que mènent leurs armées, l’Ouganda et la RDC visent uniquement, sinon à éradiquer les ADF MTM, les autres forces négatives et le terrorisme qui menacent la paix et la stabilité dans les deux pays, du moins, à réduire au maximum leurs capacités de nuisance.
C’est pourquoi, les gouvernements de deux pays veilleront au respect strict des droits de l’Homme et à la protection des populations civiles. Les dispositions appropriées sont prises par les deux États-majors à cet effet et la surveillance sera accrue dans ce domaine.
C’est ici le lieu de se féliciter de la signature, le mardi 07 décembre en cours, par les FARDC et la MONUSCO de la directive générale sur les opérations actuelles permettant à cette dernière de passer de l’attitude d’observation à celle de combat.
Comme vous pouvez vous en apercevoir, les actions concertées de l’Ouganda et la RDC à l’Est de notre pays obéissent à la même logique de mutualisation des ressources pour combattre un ennemi commun et pour la sécurité mutuelle que celle adoptée notamment par les pays du G5 Sahel et ceux du bassin du Lac Tchad contre Boko-Haram.
La République Démocratique du Congo appelle la communauté internationale à les encourager et à les soutenir activement.
Parlant du terrorisme en Afrique, je voudrais saisir cette occasion pour rappeler les propos du Président Félix Antoine Tshisekedi à la tribune de la 76ième session de l’Assemblée Générale de l’ONU, le 21 septembre de cette année, je cite : « Si la lutte contre DAESH a remporté au Moyen Orient, plus précisément en Irak et en Syrie des victoires incontestables, en Afrique, par contre, l’AQMI et autres groupes affiliés au DAESH gagnent du terrain chaque jour davantage…SI la communauté internationale minimise le danger que représente la propagation du djihadisme en Afrique ; si elle n’adopte pas une stratégie globale et efficace pour éradiquer ce fléau, les plaies ouvertes au Sahel, dans le bassin du Lac Tchad, en Afrique centrale et australe continueront à se métastaser jusqu’à faire jonction pour devenir une menace réelle pour la paix et la sécurité internationales ». Fin de citation
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs des missions diplomatiques et consulaires,
Mesdames et Messieurs les représentants des organisations internationales,
Pour le Peuple congolais, la fin de l’insécurité et la restauration de l’autorité de l’État à l’Est de la RDC sont capitales non seulement puisqu’il y a de la survie de notre nation, mais aussi puisque le Président de la République, Son Excellence Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, tient à réunir toutes les conditions nécessaires à la réalisation du programme du Gouvernement, à l’instauration de l’Etat de droit, à l’amélioration du climat des Affaires et l’émergence d’un climat sécurisant pour tous aux échéances électorales de 2023.
Dans le combat pour atteindre ces objectifs, la RDC n’entend point évoluer en solo. Que du contraire. Elle compte sur l’accompagnement de tous ses amis et partenaires du développement.
Je vous remercie.
Kinshasa, le 09 décembre 2021
Le Vice-Premier Ministre, Ministre des Affaires Etrangères
Christophe LUTUNDULA APALA Pen’APALA