Face à l’aggravation de la crise sécuritaire dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), le Président Félix Tshisekedi a initié des consultations pour former un gouvernement d’union nationale capable de résoudre cette crise sécuritaire. Officiellement, l’objectif est d’élargir la base politique du pouvoir en intégrant des forces extérieures à l’Union Sacrée de la Nation. Toutefois, cette initiative soulève des doutes quant à son inclusivité réelle, surtout lorsque l’opposition ne participe pas. Toutes les formations politiques d’envergure de l’Opposition n’ont pas encore répondu à l’invitation de Désiré Cashmir Eberande Kolongele.
Au-delà des considérations internes, ces consultations s’inscrivent aussi dans un jeu politique plus large. Selon certaines analyses, elles visent à court-circuiter l’initiative de médiation proposée par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC), qui ambitionnaient de réunir toutes les forces politiques du pays autour d’un dialogue inclusif. De plus, le climat régional reste extrêmement tendu, avec des enjeux sécuritaires et diplomatiques majeurs qui influencent directement la RDC.
Court-circuiter la CENCO et l’ECC : un calcul politique ?
Depuis plusieurs mois, la CENCO et l’ECC appellent à un dialogue inclusif entre les différentes forces politiques et sociales congolaises afin de trouver un consensus sur la gestion du pays, notamment face à la crise sécuritaire. L’opposition y voyait une opportunité d’être enfin écoutée, tandis que le pouvoir redoutait une initiative échappant à son contrôle.
En lançant ses propres consultations, Tshisekedi cherche donc à prendre les devants et à imposer son cadre de discussion, évitant ainsi une médiation indépendante qui aurait pu le contraindre à faire des concessions. Cette stratégie vise à renforcer son autorité, mais risque aussi de décrédibiliser davantage le dialogue, s’il est perçu comme une simple manœuvre politique.
Un Dialogue à sens unique ?
Selon des sources proches du processus, seules des personnalités issues de l’Union Sacrée ont, pour l’instant, été reçues. Les partis d’opposition, pourtant conviés, n’ont pas répondu à l’appel, renforçant l’idée que ces consultations ne seraient qu’un élargissement de la majorité présidentielle plutôt que la matérialisation d’une volonté politique de mettre en place un véritable gouvernement d’union nationale.
Une cohésion fragile dans un climat régional instable
Cette initiative intervient alors que la situation régionale est de plus en plus préoccupante :
1. Le processus de Luanda en panne
Les négociations entre la RDC et le Rwanda, menées sous l’égide de l’Angola, peinent à aboutir. Plusieurs initiatives prises par la médiation n’ont pas abouti jusqu’à ce que l’Angola jette l’éponge pour se consacrer à la présidence de l’UA qu’il dirige. Pendant ce temps, les affrontements avec le M23, soutenu par Kigali, se poursuivent, rendant toute perspective de paix incertaine.
2. Tensions entre le Burundi et le Rwanda
Le Burundi craint une attaque du Rwanda, ce qui pourrait déstabiliser davantage la région. Un conflit entre ces deux pays voisins de la RDC aurait des répercussions directes sur la situation sécuritaire dans l’est du Congo.
3. L’avancée Ougandaise et les menaces de Muhoozi Kainerugaba
L’armée ougandaise continue d’étendre sa présence en RDC sous prétexte de lutter contre les ADF. Par ailleurs, Muhoozi Kainerugaba, fils du Président Museveni et son potentiel successeur, multiplie les déclarations belliqueuses à l’égard de la RDC, alimentant les craintes d’une ingérence plus marquée de Kampala.
4. La rencontre Tshisekedi-Kagame : vers une réelle détente ?
La récente rencontre entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame suscite également des interrogations. S’agit-il d’une tentative d’apaisement ou d’un simple jeu diplomatique sans impact réel sur le conflit ? Nonobstant la dernière rencontre de Doha, le cessez-le-feu décrété n’est pas respecté surtout par le M23 qui, depuis, poursuit ses conquêtes des territoires congolais.
5. L’intervention américaine : un nouvel acteur en jeu
L’envoyé spécial des États-Unis pour la région des Grands Lacs effectue une tournée diplomatique, signe d’un regain d’intérêt de Washington pour la stabilité en Afrique centrale. Cette implication pourrait-elle changer la donne dans les rapports de force régionaux?
Consultations politiques : un défi politique pour Tshisekedi?
Ces consultations sont un pari risqué pour Félix Tshisekedi. En excluant de facto l’Opposition et en court-circuitant l’initiative de la CENCO et de l’ECC, Félix Tshisekedi tente de garder le contrôle du jeu politique. Mais ce choix pourrait se retourner contre lui si son initiative est perçue comme une manœuvre visant à éviter un dialogue réel et inclusif.
Quelles Perspectives ?
Pour que cette initiative ait un véritable impact, il est essentiel d’élargir le dialogue à toutes les forces politiques et sociales du pays, y compris l’Opposition et la société civile dans un climat de confiance réciproque. De plus, la gestion des tensions régionales sera déterminante pour assurer la stabilité de la RDC.
Les prochains jours seront décisifs : Tshisekedi réussira-t-il à transformer ces consultations en un véritable dialogue national, ou resteront-elles un simple exercice interne à l’Union Sacrée, sans portée réelle sur la crise qui secoue le pays ?
ROK