Elle a été nommée le 1 avril 2024 au poste de Premier Ministre, Chef du gouvernement, par le Chef de l’Etat Félix-Antoine Tshisekedi, champion de la masculinité positive, qui a entamé son dernier quinquennat depuis sa réélection à l’issu des élections générales de décembre 2023. Elle sera donc appelée à conduire l’action gouvernementale dans un pays non seulement immense mais où tout est défi. Ce choix du Président suscite-t-il espoir ou désespoir? Dans l’évidence, personne ne peut répondre avec précision sans crainte de se tromper à cette question.
En effet, cette nomination sans doute moins surprenante n’a pas suscité ni espoir ni désespoir dans l’opinion nationale congolaise. Pas plus que de la résignation. En République Démocratique du Congo, tout le monde – de la ménagère au haut fonctionnaire de l’Etat en passant par la jeunesse dans sa diversité – est conscient d’énormes défis auxquels le pays est confronté. Au regard des enjeux et de la complexité de l’échiquier politique congolais, d’aucun se pose la question sur les chances de JTS à tirer son épingle du jeu.
Nonobstant le fait qu’elle charrie une longue expérience professionnelle, qu’elle est même ministre au Plan au gouvernement sortant, la nomination de JTS n’a pas manqué de remettre à la surface la sempiternelle interrogation sur les capacités des femmes à conduire un gouvernement dans un pays aussi vaste qu’un continent, la République Démocratique du Congo. Disons que la compétence n’a pas de sexe.
Femme d’expériences, JTS est restée longtemps à l’abri des projecteurs médiatiques. Les postes jadis occupés par celle qui devient la première Première ministre depuis l’accession de la RDC à l’indépendance n’ont pas suffi pour le faire sortir de l’ombre. Difficile pour l’opinion de se faire une idée exacte sur elle pour se permettre un quelconque espoir ou désespoir. Voilà qui pourrait expliquer la résignation du peuple congolais face à la nomination de cette dame de 56 ans.
Le premier défi de Judith Tuluka Suminwa est donc d’ordre communicationnel. Celui de construire et d’imposer l’image d’une femme compétente, de caractère et non malléable à souhait.
Fort malheureusement, sous l’éphorie de son élévation en grade, elle engrange déjà des ratés dans ses communications du tout début. Dans sa communication qui a suivi sa nomination, Judith Tuluka Suminwa s’est montrée consciente de ses futures responsabilités et prête à affronter toute épreuve. Elle s’est engagée à mener un combat acharné contre « l’augmentation du taux de dollar, l’insécurité à l’est du pays et garantir le social » (un message supprimé quelques heures après publication). Elle a aussi annoncé, toujours à travers son compte X que son gouvernement sera celui de « compétence professionnelle » (un message tout aussi supprimé).
Le deuxième défi est celui d’assoir son autorité. A partir de ce moment, JTS devra lancer des consultations avec les acteurs politiques – de l’Union Sacrée particulièrement – dans la perspective de la composition de son gouvernement. Dans cet exercice, elle est appelée à montrer de la hauteur, pas complaisant mais de la rigueur. Elle doit marquer son territoire et son autorité doit se faire sentir dans le choix de ses futurs ministres mais surtout dans la fixation des priorités de son équipe gouvernementale.
Mais qui est effectivement Judith Tuluka Suminwa, JTS ?
Détentrice d’une licence en sciences économiques appliquées de l’université de Mons en Belgique et d’un diplôme en comptabilité de l’Ecole de promotion et de formation continue à Bruxelles, Judith Tuluka Suminwa occupait, avant sa nomination, le poste de ministre d’Etat en charge du Plan au gouvernement Sama II depuis le 24 mars 2023. C’était son tout premier poste au sein de l’exécutif national qui lui a permis de démontrer ses compétences dans la gestion d’un portefeuille.
Bien avant son entrée dans le monde politique, elle a acquis une expérience inestimable au sein des agences du système des Nations Unies. C’est de là qu’elle a su se frayer le chemin pour venir jouer un rôle de premier ordre dans le pré carré du Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi.
Originaire du Kongo Central, Judith Tuluka Suminwa a dirigé avec succès le PDL-145 au sein du gouvernement précédent. Sa nomination en tant que Première ministre marque un tournant historique pour la RDC qui a déjà consacré la parité homme-femme dans sa constitution.
Elle a travaillé dans le secteur bancaire avant de rejoindre les agences des Nations unies dont le PNUD. Elle occupera le poste d’assistante administrative et financière. Plus tard, elle devient experte nationale dans un Projet d’appui communautaire dans l’Est de la RDC pour le compte du Programme des Nations Unies Pour le Développement (PNUD).
En 2022, Judith Tuluka a travaillé au cabinet du ministère du Budget. Elle a fait partie de la délégation congolaise qui a accompagné le ministre du Plan Christian Mwando Nsimba au Sénégal, pour s’inspirer des programmes d’équité territoriale de ce pays, en l’occurrence le Programme d’urgence de Développement communautaire (PUDC).
Elle exerce ensuite au cabinet du ministère du Budget avant de devenir la coordonnatrice adjointe du Conseil présidentiel de veille stratégique (CPVS).
Mariée et mère de famille, Judith Tuluka Suminwa est une dame de Fer qui sait bien gérer sa vie professionnelle en dehors de la vie familiale.
Il y a lieu d’espérer qu’elle jouera un rôle clé dans la promotion de la paix et du développement durable dans la région.
Sa nomination en tant que première femme Premier ministre de la RDC représente un pas important vers l’égalité des genres et la diversité au sein du gouvernement.
Philippe KAZADI OMOMBO