De la désignation non-consensuelle à l’entérinement controversé, en passant par une investiture déconseillée jusqu’à une prestation de serment décriée, il faut se mettre dans la peau de Félix Tshisekedi pour s’imaginer la pression morale qu’il subit dans sa toute première expérience de conduire un pays de plus de 100 millions d’âmes à des élections générales qu’il tient en même temps à gagner à tous les niveaux ou presque.

Depuis près de quarante ans de lutte politique, le parti UDPS de F. Tshisekedi ne recourait qu’à un seul moyen (démocratique) que sont les manifestations publiques pour exprimer son mécontentement face à ce qu’il considérait comme dictature mobutienne. Ce, dans l’espoir d’apporter le changement. Félix Tshisekedi doit faire avec s’il ne retire pas son ordonnance, à en croire l’opposition congolaise. Ce qui poserait un sérieux problème de crédibilité des résultats du scrutin prochain.

En effet, depuis sa nomination vendredi 22 octobre 2021, et sa prestation de serment, lundi 25 octobre, le pays vit au rythme de l’exacerbation d’une crise qui ne dit pas son nom. Crise nourrie par l’opposition et une frange de l’épiscopat (CENCO/CALCC & ECC).

Sans surprise aucune, les partis politiques d’opposition appellent à une grande manifestation le samedi 6 novembre 2021 à travers le territoire national afin de dénoncer, selon eux, « la dérive totalitaire naissante dans le chef de Félix Tshisekedi qui fait du forcing à temps et à contretemps même sur des questions dont le consensus est impérieuse« .

J.B. Lalo du CALCC n’utilise pas la langue de bois:  » À ce jour, le quota de la gouvernance du pays est l’instauration lente, mais sûre et résolue d’une dictature dévastatrice« .

Elargir les revendications

Ces partis, principalement constitués des plates-formes politiques LAMUKA (tandem Fayulu-Muzito) et du FCC (de J. KABILA), ainsi que d’une partie de l’épiscopat (ci-haut décrit), profitent désormais de la crise due à la mise en place non-consensuelle de la nouvelle équipe de la CENI pour augmenter la pression sur Félix Tshisekedi en mobilisant davantage la population à manifester. Manifester, non plus seulement sur l’affaire CENI, mais aussi sur ce qu’ils qualifient « de plan d’abrutissement des élèves par une gratuité de l’enseignement mal appliquée à la base de la grève actuelle dans ce secteur ». Les initiateurs de la prochaine marche de pression soulèvent aussi « l’absence de l’autorité de l’Etat dans l’Est malgré l’état d’urgence dans le Nord-Kivu et en Ituri », sans oublier ce qu’ils qualifient d’escroquerie d’Etat via « la taxe RAM ».

Et Moise Katumbi ?

Le camp Katumbi quant à lui, également signataire de cet appel à manifester, semble encore souffler le chaud et le froid en même temps, sachant qu’il est toujours officiellement dans l’Union Sacrée. Partant, toute action tendant à « combattre » directement les alliés telle la marche annoncée du 6 novembre, pourra être interprétée comme un retrait tacite de la majorité présidentielle. D’où, l’arrivée imminente à Kinshasa de M. Katumbi pour consulter les instances dirigeantes de son parti, ses alliés politiques et même les organisations de la société civile avant de fixer l’opinion sur son avenir politique dans l’Union Sacrée, indique un communiqué signé par son Directeur de cabinet, Olivier Kamitatu. Une pression de plus pour Félix Tshisekedi.

Pression internationale ?

Par ailleurs, il faut signaler que la sortie médiatique le jour même de la prestation de serment de la nouvelle équipe de la CENI (le lundi 25 octobre) d’une vingtaine des pays occidentaux partenaires de la RDC ( qui n’est nullement un fait anodin ou un hasard) vient tant soit peu conforter la position de l’opposition et de cette partie de l’épiscopat. Ce, en « regrettant de l’absence de consensus dans la mise en place des nouveaux animateurs de la centrale électorale« .

Il va s’en dire, que les récriminations dont fait l’objet Kadima fait d’ores et déjà le lit des vives contestations des résultats des prochaines élections à tous les niveaux quand bien même ils pourront être authentifiables. Autant dire que l’appel de ces partenaires de la RDC aux parties prenantes à la recherche des voies de l’adhésion et de la confiance est louable. Mais à quel prix? Tout compte fait, le régime actuel ne plante pas le décor pour résoudre la crise de légitimité longtemps recherchée en RDC.

Au stade actuel, est-il envisageable, eu égard à deux contraintes dont la loi et le temps, que Félix Tshisekedi, vienne à retirer son ordonnance en dépit des pressions? La réponse est à la négative au regard de ces deux contraintes: la Loi et le Calendrier.

La loi, c’est-à-dire, l’organisation des élections dans le délai constitutionnel excluant le moindre glissement préjudiciable à l’Etat de droit prôné par Félix Tshisekedi. En d’autres termes, la nécessité d’élaborer rapidement un calendrier électoral respectant les échéances constitutionnelles. Et le temps: c’est d’ailleurs ici que l’observation faite par les dix-huit partenaires trouve tout son sens:  » Le temps presse qu’il faille déjà envisager à franchir les étapes cruciales du processus telles la révision de la loi électorale devant renforcer les mécanismes de contrôle et de transparence, le lancement effectif du processus d’identification  et d’enrôlement des électeurs, ainsi que l’établissement d’un budget idoine« ; peut-on lire dans leur communiqué conjoint.

Pour certains observateurs, la pression doit certes être maintenue, mais tout en se préparant sérieusement aux élections. C’est dire qu’il faut commencer dès maintenant à former les observateurs électoraux  à même de contrer toute fraude électorale. Et la vérité des urnes sera-t-elle au rendez-vous en 2023 ?

Telle démarche sera en osmose à l’appel de F. Tshisekedi pour une observation électorale nationale et internationale pour prévenir des vaines contestations dès la publication des résultats de vote.

Wait and see!

Dieu merci KANDA MPOYI